NEW YORK • Ses lèvres posées sur celles d'une jeune fille dont le nom semblait s'être perdu parmi les brumes éthyliques de ses pensées, il avançait à reculons, poussant la porte du pied, étouffant un rire idiot. Quelques étages plus bas, on pouvait toujours entendre le son des basses résonnant, la musique crachée par les enceintes, les chants et les voix de dizaines d'étudiants rassemblés dans un immeuble quelconque pour fêter un événement bidon, simple prétexte pour boire à outrance. Nate, embarqué par son colocataire et meilleur ami, s'était mêlé à la foule étudiante, avait enchaîné les verres avec une aisance propre à la jeunesse, se retrouvait maintenant aussi chancelant que sa conquête du soir. Si ses souvenirs étaient bons, elle étudiait la littérature en seconde année, elle l'avait baratiné avec Jane Austen tout à l'heure et l'époque victorienne, et lui le regard perdu sur la courbe de ses hanches n'avait pas osé l'arrêter, pas osé lui dire qu'il n'en avait rien à faire des féministes anglaises. Tout ce qu'il souhaitait, lui, c'était ce moment là, c'était ce retour à son appartement, et la porte qu'elle venait de refermer derrière elle. La baratinait-il, lui, avec tout ce qu'il pouvait apprendre depuis déjà trois ans en cours divers sur le journalisme ? Non, s'il avait voulu un cours sur le littérature, il aurait posé ses fesses dans un amphi adéquate ou aurait ouvert son ordinateur pour consulter la page wikipedia. Peut-être le ferait-il demain cela dit, s'il se liait avec cette demoiselle et comptait sur le fait de la revoir. Elle s'arrêta cependant, détacha ses lèvres des siennes et écarquilla les yeux en se redressant ; un sourire timide se dessina sur ses lèvres. « je croyais que tu avais un coloc. » Nate arqua un sourcil, murmurant un « c'est le cas. » sans comprendre. Se retournant, il avisa un regard   dans la direction indiquée par l'étudiante. Ce fut comme si le plancher de son appartement venait de s'ouvrir sous ses pieds, et qu'un bloc de glace était venu geler son ventre. « Sloan ? » debout près de la table du salon, la jeune femme le regardait, les yeux ronds et les bras tendus le long de son corps. Que faisait-elle là ? N'était-elle pas censée se trouver à l'autre bout dees états-unis ? « tu n'es qu'un connard Jaminson. » la fureur gagna enfin ses traits, tandis qu'elle se frayait un chemin vers la sortie de l'appartement, poussant sans ménagement l'étudiante prise d'un fou rire. Rapidement, semblant retrouver ses esprits, Nate tendit la main vers Sloan pour encercler son bras fin. L'alcool semblait avoir fait son travail avec trop de soin car elle se dégagea facilement, pointant un index rageur vers son visage. « je ne veux plus jamais te voir. Jamais. »

ALBUQUERQUE • « Devine qui je viens de croiser. » Nate redressa le menton en avisant un regard vers son meilleur ami, haussant les épaules pour lui signifier qu'il n'en avait aucune idée, et qu'il n'en avait sûrement pas grand chose à faire non plus. Assis à la terrasse d'un bar, son nez resté collé à son écran d'ordinateur, tandis que ses doigts, eux, semblaient refuser de bouger et taper le moindre article. Critique à rendre pour le lendemain, l'inspiration n'était pour une fois pas assise à ses côtés. Il tira une longue latte sur sa cigarette, la reposant ensuite en suspension sur le cendrier. Son ami toujours muet, il se sentit obligé de lancer un « qui ? » désintéressé. « Sloan. » l'information lâchée, il se cala un peu mieux dans son siège, attrapant la cigarette de Nate pour à son tour tirer une bouffée de nicotine. Il n'était pas sans savoir la relation qui liait Jaminson à la jeune femme, s'était tenu aux premières loge durant leurs quatre années de relation, avait récupéré un Nate désorienté le lendemain de cette fameuse soirée où tout avait basculé, et n'avait jamais été dupé par les airs détachés qu'il affichait quand le prénom de la jeune femme revenait sur le tapis. Combien d'années s'étaient écoulées depuis qu'ils n'avaient pas revu la belle ? Combien d'années Nate avait-il passé sans entendre le son de sa voix, récoltant à droite, à gauche, des informations sur son compte, apprenant qu'elle vivait toujours au Nouveau Mexique, qu'elle le détestait toujours pour ce qu'il avait fait. Loin des yeux, loin du cœur, dit-on souvent. Pour Jaminson, le cœur était toujours resté, battait toujours au simple nom de son ancienne petite amie ; mais la distance avait eu raison de sa fidélité. Une fois, deux fois, peut-être trois fois s'était-il retrouvé entre les bras d'une autre qu'elle, lui avait caché son comportement volage, assuré qu'il l'aimait -et ne mentait pas sur ce point-. Un gamin, voilà ce qu'il avait été. Un gamin entraîné par toutes les libertés offertes aux étudiants. « Elle va bien ? » demanda Nate en détournant le regard, plongeant les lèvres dans son café. « Elle est fiancée. » le jeune homme manqua de s'étouffer, vrilla un regard en direction de son meilleur ami, cherchant à savoir s'il se fichait de lui ou non. « le mariage est prévu en novembre, ça te laisse une marge pour arrêter de te comporter comme le premier des abrutis et la retrouver » un sourire amusé s'invita sur les lèvres de son ami qui lui donna une légère claque dans le dos avant de se lever.