L'odeur nauséabonde de vomis et d'excréments me prenaient à la gorge. L'endroit était froid, presque glacial, en plus d'être tout sauf chaleureux. Les murs gris me donnaient vaguement l'impression de se rapprocher. Peut-être était-ce du à l'alcool qui circulaient dans mes veines. Assis sur le semblant de lit, je regardais le plafond, en attente d'une occupation intéressante. En vain. Le temps me semblait terriblement long. Il l'était. J'entendis finalement des pas se rapprocher. Guettant du coin de l'oeil l'arrivée d'un membre de ma famille, je fus plus heureux que jamais en voyant la silhouette de Willis. D'un bond, je descendais du lit, qui n'avait pas attendu pour grincer comme une vielle porte, pour m'approcher des barreaux. En garde à vue, voilà où je me trouvais actuellement. J'avais roulé trop vite, et en plus de ça avec un taux trop élevé d'alcool dans le sang. Willis ne dit rien, ne daigna pas me lancer un regard, se contentant de signer une décharge et de m'emmener jusqu'à sa voiture. Une fois installés, il y eu quelques longues secondes de silence. "Ils ne vont pas être contents." Lança finalement ma grande soeur, parlant dès lors de nos parents. Je haussais les épaules. "Ils ne le sont jamais." J'avais toujours été un peu le vilain petit canard de la famille. Celui qui avait les plus gros ennuis avec la police, celui qui s'éloignait le plus de ses parents, qui méprisait cet afflux d'argent et de célébrité, celui qui n'avait aucun avenir. Depuis bien longtemps maintenant, je ne cherchais plus à satisfaire mes parents, c'était peine perdue. "Tu ne peux pas continuer comme ça Kol, tu vas finir par te tuer ou tuer quelqu'un. T'es plus un gamin. Tu veux devenir indépendant, commence par devenir responsable." Elle alluma la voiture, le moteur rugit. Elle avait raison, je le savais. Enchaîner les soirées, les produits illégaux, les gardes à vue, ce n'était plus possible. J'avais arrêté les études, et j'enchaînais les petits boulots. Je voulais une stabilité dans ma vie, que je n'aurais jamais si je continuais de la sorte. Collant mon visage contre la vitre, je lançais un coup d'oeil vers Willis. "Je t'aime grande soeur." C'était ma façon de m'excuser, de lui dire qu'elle avait raison, de la remercier. Willis avait toujours été la seule à croire en moi. Elle me regarda furtivement, avant de sourire.

"Comment vous est venue l'idée de ce blog ?" La présentatrice me sourit. C'était mon moment. J'étais à une chaîne nationale, interviewé pour le travail que je fournissais depuis plusieurs années, et non sollicité pour parler de la carrière excitante de mon père, de sa célébrité. Cet interview tournait autour de moi, de ma passion. C'était étrange, car si rare, et j'en appréciais chaque seconde, chaque question. "Je devais me trouver une occupation, quelque chose que j'aurais plaisir à faire, contrairement aux petits boulots que j'enchaînais. Cette idée est venue simplement. J'ai tenté l'expérience en créant mon blog, et je n'ai jamais autant aimé faire quelque chose." c'était vrai. Willis m'avait poussé à chercher quelque chose qui me plairait. Elle voulait me voir heureux, plus que n'importe qui de mon entourage. Si elle avait proposé pas mal d'idées pour occuper son petit frère têtu et compliqué, j'avais retenu celle du blog. Ce fut comme une révélation. "Comment décririez-vous votre blog ?" Clignant des yeux, je fis face à la caméra un instant, avant de regarder à nouveau la présentatrice. "Un blog humain, et qui peut plaire à tout le monde. Même si j'y parle beaucoup de mes expériences, de mes ressentis, il n'en reste pas moins un blog large, qui parle d'énormément de sujets, qui peut toucher n'importe qui." Je souris. C'était la première fois que je me retrouvais filmé, comme ça, pour une si grande chaîne où des millions de téléspectateurs pouvaient me voir. "Votre blog est maintenant l'un des plus connus et appréciés du pays, et est même connu dans d'autres pays. Vous attendiez-vous à ce succès ? Comment le vivez-vous ?" "Je m'attendais à tout, sauf à ça. Jamais je n'aurais pu imaginer un tel succès, et j'en suis énormément touché. C'est une véritable reconnaissance pour moi, qui n'ai jamais cru que je pouvais un jour en arriver là. Je suis plus heureux que jamais, j'ai le meilleur travail du monde, le plus plaisant et intéressant." J'avais fait énormément d'efforts pour changer, pour évoluer, et m'adapter au monde d'adulte qui m'avait fait jusqu'à si peur. J'y étais finalement arrivé. Un travail que j'aimais, une petite amie dont j'étais amoureux, une famille unie. Il y a quelques années, je n'aurais pas imaginé en avoir tant. Une nouvelle vie avait commencé pour moi, et j’éclipsais peu à peu l'ombre que me faisait mon père, pour briller.