Oh les tics et les manies, on ne peut pas dire que j'en manques. C'est un peu une manière pour moi d'éviter de faire face à la réalité que de me cacher derrière toutes ces petites choses qui font mon quotidien. Tout d'abord, il ne se passe pas une seule journée sans que je mange un aliment rouge, ne me demandez pas pourquoi, c'est comme ça ! Je commence toujours ma journée avec une petite bière parce que sinon, je ne réussis pas à me lever. Mais il ne faut pas s'y méprendre, je n'ai jamais travaillé bourrée, je respecte trop les enfants pour leur infliger cela. Quand je suis stressée, j'ai tendance à me tortiller nerveusement les cheveux jusqu'à presque les casser, c'est un peu déstabilisant et surtout pour cacher mon stress, c'est pas donné ! Sinon, je suis un peu du genre à passer des soirées à me bourrer la gueule, on ne peut pas trop considérer ça comme une manie mais quand ça arrive souvent, on peut le rentrer dans cette catégorie quand même ! Sinon, j'ai tendance à toujours vérifier si j'ai bien fermé chez moi, presque plusieurs fois, jusqu'à me mettre en retard des fois ! Donc bon, je pourrais toutes les citer mais je penses que j'en ai déjà assez dit pour effrayer tout le monde !

Il est 09h du matin quand j'ouvre les yeux encore empourprés de la veille. Les limites avaient été atteintes et je ne pouvait plus sentir aucun des muscles que pouvaient composer mon corps et je ressentais des douleurs à des endroits des plus fous. Voilà de quoi est faite ma vie, de débauche et d'excès. Il me fallut une dizaine de minutes pour réussir à ouvrir mes pauvres yeux qui étaient encore imbibés des larmes qui avaient pu couler la veille. Certaines personnes sont joyeuses quand elles font la fête mais moi, j'ai souvent tendance à avoir l'alcool mauvais et il arrivera toujours un moment où je commencerais à ressasser les mauvais moments de ma triste vie et voilà que les larmes se mirent à couler et bien évidemment, j'étais dans l'impossiblité de les arrêter, au grand damne de ma soeur qui me regardait alors impuissante. Ah ma soeur, je pourrais tout donner pour elle mais je dois dire qu'elle est aux antipodes de ce que je suis devenue. Nous étions si fusionnelles mais en même temps tellement différentes qu'il serait impossible de savoir ce que l'on peut avoir en commun. Mais contrairement à ce que l'on peut croire, je suis loin d'être un boulet pour elle et elle est loin d'être un fardeau pour moi. On va dire que nous sommes arrivées au carrefour de notre vie, celui où nous devons nous situer dans la société et savoir quel rôle nous devrons assumer pour le reste de notre vie et pour ma soeur, cela a été plus simple que moi. Elle me protège quand je fais des conneries et moi je lui donne du fil à retordre pour ne pas qu'elle s'ennuie parce que bon, je ne dis pas qu'elle a une vie ennuyeuse mais elle ne s’amuserait pas autant sans moi." NELIIIHH !! Bouges ton cul tu vas être en retard !! Et dire qu'elle s'occupe d'enfants celle là ! " Et bah tiens, en parlant du loup, voilà la voix de ma chère soeur qui me lève de ma tranquilité habituelle. Je deigne enfin me lever et décide d'aller me préparer, enfin je me traîne jusqu'à la salle de bain pour essayer de donner un semblant de beauté au visage qu'est le mien. Quand on travaille avec les enfants, il ne vaut mieux pas avoir un pet de travers !

Et oui, contrairement aux apparences, je travaille dans une école maternelle auprès des tous petits donc bon. J'aime ce que je fais mais il n'est pas toujours aussi simple de s'occuper de plus petit que soi quand on peut à peine s'occuper de soi-même. J'arrive dans la cuisine et voit ma soeur en train de me préparer le petit dej. C'est quand même impressionnant de voir à quel point nous pouvons être différentes malgré les traits du visages qui sont exactement les mêmes, et oui, ma soeur et moi sommes jumelles. Je ne peux pas m'empêcher de la trouver magnifique, je sais que je suis la même qu'elle mais elle a une manière de sublimer sa personne. Quand elle rentre dans une pièce, on a l'impression qu'elle rayonne et qu'elle peut éblouir toute personne croisant son regard. J'ai toujours eu une fierté aveugle envers ma soeur qui n'a que quelques minutes de plus que moi. Depuis toute petite, elle a toujours été la plus parfaite de nous deux, j'ai tout d'abord mal vécu ce qu'elle pouvait dégager avant de me rendre compte que c'était plus un avantage qu'un inconvénient. " Nelih, prends exemple sur ta soeur, regardes comme elle est belle ! Tu devrais arrêter de porter ces survêtements et être aussi belle qu'elle ! Tu verras que plein de garçons viendront vers toi ma belle. " C'est cette phrase qui avait complètement changé ma vie quand elle fut prononcée par mon meilleur ami dont j'étais secrètement amoureuse à l'âge de 14 ans. Encore une fois, ma soeur était mise en avant mais ce n'allait plus être le cas parce que je voulais attirer son attention et lui montrer que j'allais être encore meilleure que ma soeur et plaire à plein de mecs comme il pouvait le dire. " Ne t'inquiètes pas Tom, tu ne vas pas être déçu du résultat, crois-moi ! " Et c'est sur ces mots que l'objectif principal de ma vie avait été de devenir plus belle et plus populaire que ma soeur. Je ne pouvais plus supporter qu'elle fasses tout mieux que moi et il était enfin temps que je montre au monde de quoi je pouvais être capable. Je me sentais rabaissée depuis trop longtemps par rapport à elle. Mais c'est un sentiment que je n'aurais peut-être jamais du ressentir parce que c'est cette sensation qui m'a poussée à changer et m'a fait vivre les pires choses que l'on peut vivre dans sa vie.  

A toujours vouloir en faire plus, on a tendance à en faire trop. Avec le recul, j'aurais vraiment du écouter ma soeur quand elle me prodiguait ce conseil. Parce que même dans l'adversité, elle était toujours là pour moi et quand j'ai commencé à changer du tout au tout, elle a flairé le danger alors que j'avançais à l'aveugle, sans savoir de quoi demain pouvait être fait. J'étais innocente et il m'étais impossible de voir plus loin que le bout de mon nez avec cette stupide obsession de dépasser ma soeur dans tous les domaines que je pouvais trouver comme la beauté, la popularité, les notes, les amis, ma vie était rythmée par cette compétition que je m'étais moi-même imposée. Parce que bien évidemment, avec sa sagesse légendaire, ma soeur ne rentrait pas dans mon jeu et essayait de me stopper avant que cela n'ailles trop loin mais embourbée dans les profondeurs de mon âme, je ne voyais en ses conseils qu'un moyen de me faire abdiquer pour mieux gagner. Mais mon dieu, si j'avais su regarder au delà de moi-même, j'aurais pu voir dans quel malheur j'allais me plonger. Parce que pour ce qui était de la beauté, j'avais mis les bouchées doubles. Minis jupes, maquillage outrancier et démarche non-chalante était devenue monnaie courante chez moi. Ma soeur me disait chaque jour qu'elle ne me reconnaissait plus et au lieu de le déplorer, j'en étais heureuse, contente d'avoir commencé à gagner mon pari, contente de commencer à ne plus ressembler à ma jumelle, d'être mieux qu'elle. Enfin, je croyais être mieux qu'elle. J'étais devenue la personne à problèmes de la famille. Ma mère, oh mon dieu ma pauvre mère. Je lui avait fait vivre des inquiétudes les plus folles alors qu'elle avait un si grand coeur, une bonté d'âme à en faire trembler les démons. C'est alors que nous avions 16 ans que nos vies changèrent à tout jamais.

Tout a commencé par cette journée où nos vies ont totalement basculées à ma soeur et à moi. Nous étions en train de nous chamailler comme à notre grand habitude quand notre père nous appelle pour nous annoncer une nouvelle. Le ton de sa voix était vide et je pouvais entendre les larmes qu'il faisait couler au son de sa voix. Je sentais toute la peine et tout le désespoir qu'il pouvait ressentir rien qu'à l'intonation de sa voix et pour tout vous dire, j'avais peur de descendre. J'avais l'impression qu'il nous attendait pour nous assommer et ce qu'il nous annonça était tout comme. " « Non, non, non, non, ce n'est pas possible ! » Cette phrase fut la seule et unique phrase qu'avait pu prononcer ma soeur, mêlée de larmes et de rage. Mon père venait de nous annoncer que notre mère venait de nous quitter. J'aurais voulu pleurer toutes les larmes de mon corps mais cela ne sortait pas. J'étais comme bloquée, choquée par ce que l'on venait de m'annoncer, je n'arrivais pas à réaliser. Les plus petits membres de notre fratrie pleuraient à leur tour mais moi rien. Je me sentais mal de ne pas pleurer parce que ma mère était tout simplement tout ce qui était magique pour moi, tout ce que l'on doit être pour être une femme. Elle avait un coeur en or et des épaules en acier, capable de tout supporter, même les allées-retours au commissariat que je lui faisais subir. Elle était mon modèle et je n'avais plus aucuns repères. Je regarde alors ma soeur qui était tout simplement détruite. " Ne t'inquiètes pas soeurette, maman sera toujours avec nous dans nos coeurs, elle ne nous quittera jamais. Tu lui ressemble tellement que tu peux prendre le relais de ce qu'elle était .. " Je l'embrasse tendrement sur la joue ainsi que ma famille avant de sortir de la maison. Je ne pouvais plus supporter ces regards accusateurs qui me disaient " Pourquoi tu ne pleures pas ? Tu ne l'aimais pas ? " Je me suis alors réfugiée dans la cabane du parc et c'est à l'abri des regards que mes larmes ont enfin pu couler. Cela dura des heures et des heures. A mon retour, ma soeur me serra fort dans mes bras en voyant mes yeux embués de larmes. Et voilà, la vie continue .. 

Pour ne pas mentir, j'aurais préféré que la vie ne continues pas pour moi, j'aurais aimé partir avec ma mère pour ne pas avoir l'occasion de vivre ce que j'ai eu le malheur de vivre. Parce qu'il était bien évidemment évident d'imaginer ce qu'avait pu devenir ma pauvre personne suite à la mort de la personne qui pouvait représenter la bonté et la réalité positive de ce monde. J'avais oublié d'être en compétition avec ma soeur pour devenir cette demoiselle noire et totalement sans coeur. J'étais invivable et je ne vivais seulement que pour ma personne. Je buvais, je fumais, je me droguais. Mais tout cela a pris à peu près fin quand j'ai vécu le deuxième drame de ma vie. Je peux vous dire que lorsqu'en une seule soirée, vous vivez un viol collectif et vous êtes témoin d'un homicide, je peux vous dire que votre vie change du tout au tout. Je ne veux pas me replonger dans les détails mais c'est surtout pour expliquer pourquoi je suis comme ça. Pourquoi je suis le genre de demoiselle qui ne supporte pas qu'un homme l'aborde, pourquoi je suis le genre de fille à prendre les devants et qui ne supporte pas se faire dominer. Et surtout pourquoi je suis devenue le genre de fille qui aide les autres malgré tout ce qu'elle a pu vivre. Encore une fois, c'est ma soeur qui m'a sauvé la vie. " Nelih, tu ne peux pas rester comme ça ! Ce que tu as vécu est horrible mais tu te dois de reprendre le dessus, tu ne peux pas les laisser gagner sur toi ! Je t'aime Nelih et je pourrais pas te laisser sombrer comme ça. " Et voilà les mots qui m'ont permis de changer du tout au tout. Je n'oublies pas le côté décadent de ma vie, à sortir, m'amuser, mépriser les hommes mais de l'autre côté, je suis devenue la personne qui est là pour les autres et qui a obtenu son diplôme pour travailler en école maternelle. On peut dire que je suis assez fière de moi, malgré le fait que tout ça nous ai fait quitter notre New-York natale pour s'installer à Albuquerque. Mais on n'en oublies pas notre famille, les plus petits et notre père que nous avons laissé à NY. Nous allons souvent les voir et on profite du temps que l'on peut avoir avec eux. " NELIH REVEILLES TOI !! Tu vas vraiment être à la bourre et je n'ai pas que ça à faire d'accord ! J'ai un appartement et je ne comptes pas passer ma vie dans le tien ! " Oula dur le réveil ! Je termines mon petit déjeuner tout en sortant doucement de mes songes. Je prends ensuite mes fringues avant de retourner dans la salle de bain. Tout cela étant terminé, un bisou à ma soeur et je prends la voiture pour aller au boulot. Et voilà une nouvelle journée qui commence pour la nouvelle Nelih-Ann Sandry Thurninghton.