"Et si vous deveniez mon attaché de presse ?" A peine de plus, Mabhel avalait de travers. Elle tendit le bras pour reposer sa tasse de thé brûlante sur le rebord du comptoir et s’éclaircit un peu la gorge avant de lever les yeux. Comme si c'était une fatalité chez les libraires et les bibliothécaires, ses yeux étaient surmontés d'une paire de lunette, qu'elle ramena un peu plus contre  son nez en relevant la tête vers son interlocuteur. Elle ne l'avait pas vu rentrer, ou plutôt n'y avait pas fait attention. Depuis que la librairie comptait entre les étagères un nouveau compagnon, Harry, son propre chat, la fréquentation de la boutique avait doublée. Mabhel n'était pas propriétaire mais ce dernier, qui était également le gérant s'absentait souvent. Lorsqu'il rentra d'un de ses énième voyage à travers le pays à la recherche d'une édition rare de tel ou tel titre, ou de tel ou tel auteur, il avait découvert un nouvel employé dans sa boutique, Harry. Mais Harry n'était pas un stagiaire ni même le diminutif d'une jeune fille prénommée Harriet, Harry était un chat. Le chat de Miss Archer, ou plutôt l'un des derniers survivants. Sa colonie de chat était récemment morte dans de mystérieuses circonstances et de peur que le même sort funeste ne frappe le dernier compagnon de vie qu'il lui reste, la jeune femme avait décidé de toujours le balader avec elle, y compris au travail. La colère du patron passa rapidement lorsqu'il se rendit compte que ce chat vivant, posté sur la fenêtre de la vitrine attirait les passants, et ainsi de potentiels nouveaux clients. "Pardon ?" Finit-elle par articuler, encore pas très sûre d'avoir bien entendue.[bi] "Allez on va bien s'amuser !"[/i] Il haussa les sourcils, comme un gamin qui venait tenter un de ses copains, en avançant deux index sur ses côtes pour les chatouiller. "C'est ça l'aventure que vous me proposez ? Devenir votre attaché de presse ?" Elle avait déjà vu ce client auparavant, ils avaient même déjà discuté ensemble. Elle savait qu'il était écrivain, ou tout du moins qu'il voulait le devenir. "Tu peux me tutoyer tu sais." Il est vrai que lui ne s'était pas gêné dès sa première entrée dans la boutique. "Et on a pas besoin de voyager très loin, du moment qu'on a ça." Il avança sa main jusqu'à sa tête, et appuya longuement son index contre son front. La libraire resta comme hypnotisée quelques secondes, digérant probablement le coup de la nouvelle, de la proposition. Puis elle cligna soudainement des yeux et recula d'un petit trait, comme un petit saut de cabris, sa tête. Enfin elle n'y connaissait rien à ce métier, elle ne l'avait jamais exercé, ne l'avait jaamis étudié, elle ne connaissait même pas quelqu'un qui l'exerçait. Ce n'était qu'une modeste marchande de livres, qui aimait la littérature certes, qui la connaissait, mais enfin ce n'était qu'une petite commerçante.